Eugène Ionesco quitte la Roumanie en 1938 pour de nouveau s’installer à Paris, avec sa femme. Il a alors obtenu une bourse de l’Institut de Français de Bucarest pour rédiger une thèse en littérature
en France. Cela lui permet de fuir l’ambiance oppressante de la Roumanie
nationaliste. Depuis Paris, il en profite pour fournir des informations sur la
scène littéraire parisienne à la prestigieuse revue scientifique La vie Roumaine.
La deuxième guerre mondiale éclate en 1939. Sa femme et lui décident de rentrer en Roumanie, vaincue et occupée. Durant le conflit, il reprend son emploi de professeur de français au lycée Saint-Sava. Il échappe à la conscription roumaine. De grands changements
surviennent après l’alliance de la Roumanie avec l’Allemagne et le pays entre en guerre contre l’union Soviétique. La famille Ionesco décide de rentrer en France en 1942 pour y rester définitivement. Ils s’installent tout d’abord à Marseille où ils connaissent de grandes
difficultés financières. Il deviendra alors traducteur et correcteur. Le 26 août
1944, leur unique enfant naît, qu’ils prénomment Marie-France.
En mars 1945, ils s’installent de nouveau à Paris, dans le seizième arrondissement, rue Claude-Terrasse. Ils y résideront jusqu’en 1960. Eugen
Ionescu père meurt en 1948 et ne laisse pas la moindre part d’héritage à son fils. La même année, il commence à rédiger
sa première pièce de théâtre La cantatrice chauve, qui est sans contredit, la plus
connue et la plus jouée de toutes ses œuvres. La pièce est présentée pour
la première fois au Théâtre des Noctambules, le 11 mai 1950, dans une mise en scène de Nicolas Bataille. La pièce est un échec et seuls quelques intellectuels français apprécient le génie d’Ionesco. La pièce toutefois, retient grandement l’attention des critiques français de
l’époque.
En 1950, il adhère au Collège de Pataphysique, popularisé par Jarry. Boris
Vian, Raymond Queneau, Jacques Prévert et Marcel Duchamp y sont également membres. Un
grand nombre de ses œuvres sont publiées dans Les Cahiers du Collège de Pataphysique. Il devient citoyen français à part entière en cette année.
Les années qui suivront seront consacrées à l’écriture de son théâtre.
Après La leçon, présentée en 1951 et Jacques
ou la soumission, Ionesco est reconnu comme un des plus importants auteurs du théâtre de l’absurde. Il parvient presque à vivre exclusivement de son théâtre. C’est
également en 1951 qu’il crée Les chaises, Le maître ainsi que L’Avenir est dans les œufs. En 1955, l’absurdité de sa dramaturgie quitte la France et il voit pour la première fois sa pièce
Le nouveau locataire jouée à l’étranger.
C’est aussi en 1955 qu’il rédige L’Impromptu de l’Alma. Il est notamment soutenu par le critique français Jacques Lemarchand ainsi que par
les metteurs en scène Jacques Mauclair, Jean-Marie Serreau et Sylvain Dhomme. La Cantatrice chauve est reprise triomphalement en 1957 au Théâtre de la Huchette
et n’a pas quitté l’affiche depuis ce temps. Avec la pièce Tueurs sans gages, Ionesco crée son personnage fétiche, son porte-parole, Bérenger, qui reviendra à maintes reprises
dans plusieurs de ses ouvrages.
C’est en 1957 que paraît Rhinocéros, d’abord sous la forme d’une
nouvelle. Elle fait état de la montée du fascisme en Allemagne de l’avant-guerre,
mais également manifeste une répulsion devant l’éclatement contagieux du racisme français concernant la « Bataille d’Alger
» de l’hiver 1956-1957. Elle exprime ses angoisses devant toute forme d’oppression
contre l’individu. C’est une véritable métaphore du totalitarisme. Un an plus tard, Ionesco reprend sa nouvelle pour la modifier légèrement et la transformer
en pièce de théâtre. Pour Ionesco, c’est la consécration. Il s’ensuivra
un immense succès public.
Les années 1961 et 1962 voient l’arrivée de plusieurs autres œuvres, dont Le roi se meurt, dédié au déclin de l’empire colonial français, qui met de nouveau en scène le personnage
de Bérenger. Il écrit ensuite Délire à
deux, une courte nouvelle ainsi qu’une pièce de théâtre, Piéton de l’air. C’est également en 1962 qu’il rédige une anthologie clef sur son œuvre
intitulée Notes et contre-notes.
Il sera lauréat de plusieurs grands prix de littérature au cours de sa carrière. Il est notamment consacré Chevalier
des Arts et Lettres en 1961. Il reçoit aussi, en 1963, le Grand Prix Italia pour
la version ballet de La leçon. En
décembre 1969, on lui décerne le Grand Prix national du théâtre. Il sera élu
à l’Académie Française le 22 janvier 1970.
Les années qui suivront seront riches en prix et en reconnaissances de toutes sortes.
Ses pièces continueront d’être jouées jusqu’à nos jours. Il
meurt à Paris, dans son appartement à l’âge de quatre-vingt-quatre ans, en 1994.
Il n’en demeure pas moins l’auteur de l’absurde par excellence.